bonus/malus - annexe

Accueil | Sommaire

Comment faire fonctionner un système de bonus malus ?

L’évolution de la situation actuelle concernant la limitation de la croissance de l’effet de serre dépendra de la modification de la relation des usagers avec le gaspillage et le risque évitable, mais également du développement de réglementations les incitant à évoluer ou utilisant éventuellement des méthodes contraignantes (limitations de vitesse à la construction, limitation différenciée de la vitesse maximale des voitures légères en fonction de leur poids). Pénaliser l’achat d’un véhicule inutilement polluant et consommateur tout en encourageant l’achat de véhicules moins consommateurs que la moyenne caractérise le système de bonus-malus. Il s’agit d’une mesure proche dans son fonctionnement  du bonus-malus des assureurs qui modulent les primes payées par leurs clients en fonction de leur implication dans des accidents dans lesquels ils ont eu une part de responsabilité. 

Définir un système de bonus malus doit se faire en prenant en compte des éléments parfois contradictoires qui relèvent presque tous, directement ou indirectement, de la sécurité sanitaire.

 Quels sont les facteurs à prendre en considération ?

Un « bonus-malus » doit répondre à plusieurs conditions pour être accepté :

L’analyse des liens entre les différentes variables qui caractérisent l’acceptabilité sociale d’un véhicule fondée sur la réduction du gaspillage des combustibles fossiles, la lutte contre l’effet de serre et le respect des autres usagers doit se fonder sur un critère simple. Le choix est facilité par le fait que les performances et les excès de poids dangereux pour les autres usagers sont liées à la puissance inutile et il est fondé de lier le « bonus-malus » à la consommation de carburant en ville calculée suivant la norme définie au niveau de l’Union Européenne. Elle est plus adaptée que la consommation hors agglomération qui permet d’obtenir des consommations faibles avec des comportements qui ne sont pas ceux de nombreux  usagers des véhicules inutilement rapides et lourds. En outre, la relation quantitative entre la production de dioxyde de carbone dans les grandes agglomérations et la production d’ozone par le rayonnement solaire en période de forte chaleur est un fait maintenant bien documenté. Il y a donc un double intérêt à pénaliser la forte consommation urbaine, il est à la fois local et planétaire.

La mise en œuvre pratique

L’administration connaît avec exactitude le nombre et les caractéristiques des véhicules vendus chaque année par le fichier des immatriculations qui contient un identifiant, le CNIT, qui permet de préciser les caractéristiques principales d’un modèle, notamment sa consommation avec le cycle normalisé urbain 

Classer le nombre de véhicules commercialisés en France chaque année sur le critère de la consommation en cycle urbain permettra de définir le point d’équilibre actuel (la médiane des statisticiens), c'est-à-dire le niveau de consommation qui sépare le marché en deux classes égales, celui des véhicules qui consomment plus que cette valeur médiane et celui des véhicules qui consomment moins. A partir de ces données, la réglementation doit déterminer des points de bonus ou de malus en attribuant des points en plus ou en moins pour des consommations se situant au dessous ou au dessus de la consommation médiane. Ce nombre de points devrait être égal au nombre de litres au cent kilomètres en moins ou en plus.

Une voiture consommant trois litres de moins que la consommation médiane aurait donc trois points de bonus. Un véhicule consommant douze litres de plus aurait douze points de malus. La connaissance du nombre de véhicules vendus l’année précédente permettrait de déterminer le nombre total de points de bonus et de points de malus (nombre de véhicules multiplié par le nombre de points de chaque véhicule). Il est alors facile de déterminer la valeur du point de bonus et du point de malus en euros pour équilibrer le bilan. Il est nécessaire de valoriser à un niveau différent les points de bonus et de malus car les classes de points de malus seront plus nombreuses que les classes de points de bonus. Compte tenu de l’intérêt d’affiner le dispositif pour faire une différence entre les faibles consommations, il serait envisageable de compter les points avec une unité de 0,5 litre et non d’un litre.

Exemple : le graphique ci-dessous représente la distribution des consommations urbaines des véhicules ayant obtenu un CNIT en 2004 (attention, il s’agit du nombre de variantes des différents modèles et non des effectifs des véhicules immatriculés en France, on sait que la distribution des véhicules
en circulation classés sur la consommation est très asymétrique avec une moyenne très nettement inférieure à la médiane de la consommation des modèles offerts au consommateur). Si la médiane est par exemple entre 8 et 9 litres au cent kilomètres en ville, nous avons 5 classes au dessous (3,4,5,6,7) et une trentaine de classes au dessus (l’amplitude réelle pour les CNIT de 2004 va de 3,6 à 36,3 litres au cent kilomètres). Le but est de donner les valeurs aux points de bonus et de malus pour que :

(nombre de véhicules immatriculés consommant 3litres au 100 kilomètres x 5) + (nvic 4lit. x 4) + (nvic 5lit. x 3) + (nvic 6lit. x2) + (nvic 7lit. x1)  = (nvic 9 lit x 1) + nvic 11 lit x 2) etc jusqu'à (nvic 36 lit x 26)

 

Si la règlementation  accroît la valeur du point année après année, elle va déplacer les ventes vers des véhicules moins consommateurs, c’est le but de l’opération. Elle risque donc de rendre le bilan de l’opération négatif l’année suivante. Pour éviter ce déficit, la réglementation peut fixer le point d’équilibre un peu en dessous de la médiane, comme une compagnie d’assurances fait des provisions pour la période en cours, le fonds gérant le bonus-malus pourrait constituer une telle provision la première année. Elle serait adaptée l’année suivante en fonction de l’évolution réelle observée. La qualité du dispositif sera déterminée par la valeur croissante du point de bonus et de malus d’une année sur l’autre. Il faut que le Gouvernement soit à la fois capable d’assurer qu’il y aura bien une croissance importante, tout en se donnant la possibilité de la faire évoluer en fonction des résultats obtenus. Il peut annoncer des objectifs en terme de déplacement annuel de la valeur médiane et adapter la valeur du point pour atteindre ses objectifs.

L’enterrement du « bonus-malus » qui avait été prévu dans la version initiale du plan climat 2004 a été un indicateur de l’absence de volonté gouvernementale de mettre en accord les discours et l’action. Entre l’espoir soulevé par la prise de conscience de l’urgence de l’action (« La maison brûle et nous regardons ailleurs ») et ce renoncement, se situe la notion de perte de cohérence entre le discours et le passage à l’acte. Il est de l’intérêt de la collectivité que les intentions et les actions conservent un lien suffisamment fort pour assurer la crédibilité des responsables.

L’annonce début septembre 2005 d’une augmentation du coût des cartes grises des véhicules les plus « gaspilleurs » a été une erreur majeure car elle ne concernait qu’une minorité de véhicules particulièrement « anormaux » et elle accroissait les ressources de l’Etat sans favoriser les citoyens les plus responsables. Les mesures acceptables sont celles qui sont neutres budgétairement et redistribuent le malus intégralement vers les acheteurs de véhicules raisonnables, proportionnellement à leur citoyenneté. Le seul argument contre le bonus-malus concerne les familles nombreuses, il est très facile compte tenu de la faible proportion de familles de plus de trois enfants de déplacer pour elle le seuil de malus.

Les problèmes que nous n’esquivons pas

Deux sont importants, le problème posé par les véhicules utilisant une motorisation diesel ou au gaz et le développement des voitures électriques.

Le gazole permet un meilleur rendement des moteurs et donc une consommation plus faible pour le même service rendu. La motorisation diesel a fait de gros progrès mais elle émet encore des particules imbrûlées et une quantité plus importante d’oxydes d’azote qui jouent un rôle important dans la pollution des villes. Il est possible de tenir compte de la présence d’un filtre à particules et de pénaliser l’achat d’un diesel dépourvu de cet équipement relativement coûteux. Cela correspondant d’ailleurs à l’évolution de la norme européenne. Cependant l’importance de l’objectif de réduction de l’effet de serre nous fait renoncer à proposer une pénalisation de tous les diesels, y compris ceux qui sont équipés d’un filtre à particules.

Le développement des voitures électriques doit être encouragé, mais il faut envisager les deux aspects de cette attitude. Elle est facile à défendre avec le double argument de la réduction de la pollution dans les agglomérations et la réduction du bruit (première préoccupation des Français quand on les interroge sur les nuisances auxquelles ils attachent de l’importance). Elle implique cependant l’acceptation des risques liés à l’usage d’une électricité très majoritairement d’origine nucléaire dans notre pays. Le développement des connaissances sur la relation entre l’usage des combustibles fossiles et l’accroissement de l’effet de serre a modifié les données de ce problème. Nous sommes actuellement confrontés à deux risques très différents et il faut nécessairement arbitrer entre ces options, sauf à faire le troisième choix d’une réduction de nos dépenses énergétiques beaucoup plus importante que celle qui est actuellement envisagée. Ce choix est théoriquement possible mais peu réaliste. Nous envisagerons ce problème dans la question sur les procédures décisionnelles concernant la gestion de certains risques que l’on peut encore considérer comme non documentés, mal documentés, ou relevant de choix de nature très différentes, comme c’est le cas du choix entre des énergies fossiles et l’énergie nucléaire.