Sécurité, sûreté
:
état qui évite l'exposition à un
danger. Il peut s'agir d'une situation ressentie ou d'une situation
réelle.
Les formes de la sécurité organisée au niveau d'une société (le terme
désigne souvent l'objectif et l'organisme qui tente de l'atteindre):
- sécurité civile : elle traite de la sécurité au quotidien, allant des pompiers à l'ensemble des dispositifs judiciaires ou policiers assurant la sécurité de l'individu, le respect de ses droits et de son intégrité physique. La sécurité routière, la sécurité sanitaire sont des sous-ensembles de la sécurité civile.
- sécurité militaire : ensemble des dispositifs mis en oeuvre par une collectivité pour organiser sa défense contre une agression organisée à un niveau collectif et visant à remettre en question les constituants fondamentaux d'un état (population, territoire, institutions)
- sécurité sociale : sécurité assurée par des organismes qui réalisent la socialisation des charges financières, pour permettre aux individus de vivre et de se soigner. Elle revêt différentes formes (paiement des soins dans le cadre de l'assurance maladie, indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, allocations familiales, retraite, allocations pour les handicapés, aides au logement).
- Sécurité sanitaire :
la santé étant un état de bien être physique ou psychique d'un individu ou
d'une société, le concept de sécurité sanitaire correspond à l'ensemble
des dispositions prises pour assurer le
contrôle des risques qui peuvent altérer l'état de santé, individuel ou
collectif. Il recouvre partiellement celui de santé publique, mais un
problème de santé publique peut ne pas être un problème de sécurité
sanitaire. Définir les conditions de rémunération des professions de santé
dans le cadre d'une convention, un statut pour les personnels hospitaliers,
un code de déontologie, sont des actes de santé publique qui ne concernent
pas directement la sécurité sanitaire. Les problèmes de sécurité sanitaire
sont souvent traités dans des cadres interministériels où l'influence du
ministère de la santé est réduite (sécurité routière, sécurité des armes,
etc.), ce qui justifie leur inclusion dans ce concept de sécurité santaire, dans le but d'améliorer la
collaboration entre les différents secteurs professionnels qui peuvent
contribuer à leur résolution.
Les bases éthiques des actions de sécurité sanitaire
La vie est une aventure finie et aléatoire. La conscience que la mort, le handicap, la douleur, la maladie, peuvent à tout moment faire partie ou interrompre cette aventure ne nous empêche pas de vivre, mais elle nous fait attacher de l'importance à la maîtrise de certains risques, de dangers, auxquels nous ne souhaitons pas être exposés sans le savoir et éventuellement sans les avoir acceptés, voire recherchés. Nous supportons mal en particulier que ce soit la volonté ou l'intérêt des autres qui nous fassent perdre cette situation paisible désignée par les termes de sécurité ou de sûreté. Des compagnies républicaines de sécurité à la sécurité sociale, le concept ratisse large et peut évoquer l'ordre dans ses aspects les plus contraignants où une liberté difficilement acquise. La sûreté individuelle, c'est l'habeas corpus, la garantie de ne pas être arrêté et détenu arbitrairement. Le code pénal est une longue suite d'interdits qui assurent des formes très diverses de la sécurité, des biens comme des personnes. Selon la nature des contraintes qu'elles exercent et celui auquel elles s'appliquent, les règles qui concourent à assurer notre sécurité sont perçues comme adaptées, insuffisantes ou excessives. Les compromis sociaux ne peuvent être atteints dans ce domaine qu'après des débats organisés se développant dans la clarté. Le but de ce site est de faciliter la diffusion des connaissances indispensables à la tenue de tels débats dans le domaine de la sécurité sanitaire.
"On peut admettre que la vie déconcerte la logique, sans croire pour autant qu'on s'en tirera mieux avec elle en renonçant à former des concepts" (Canguilhem).
"Il ne faut pas logiciser au delà de ce qui
est nécessaire" (Marcel Conche)
La connaissance des risques - la transmission de la connaissance
La multiplication des formes identifiées du
risque est la conséquence de l'accroissement des connaissances et de
l'apparition de risques nouveaux. Quand on ne recherchait pas les listerias dans
les fromages fermiers, nous pouvions les consommer sans appréhension. Depuis que
nous avons atteint (dépassé ?) les limites de la communication utile en
apprenant dans les médias la découverte d'une listeria dans un lot de fromage,
une femme enceinte ou un immunodéprimé aimant le Maroille ou l'Epoisse ne
peuvent plus avoir le même plaisir dans une telle consommation, sauf à dépasser
une information inquiétante par une culture de l'appréciation des risques qui
leur permet de la relativiser et éventuellement de conserver leur plaisir. Nous
sommes condamnés à savoir par un monde de " communication " qui annonce
beaucoup, tout en pratiquant largement la langue de bois, la censure, le " non
dit ", en habillant ces pratiques d’explications superficielles qui sont autant
de faux arguments pour justifier des attitudes d’autorité, ou une volonté de ne
rien dire, parce que c’est plus facile, ou, plus grave parce que l’on n’a rien à
dire ou que l'on ne souhaite pas entrer en conflit avec des intérêts
économiques. Dire beaucoup sans être capable de bien le dire et d'extraire
l'information pertinente est une tare de la société médiatique, nous devons
tenter de contrôler ce risque.
Prévenir ces dysfonctionnements est un enjeu important car la santé se conserve
(ou se perd !) à la suite d’échanges. La qualité de la relation entre les
individus est déterminante dans des situations dont l’enjeu peut être la vie ou
la mort, la récupération ou le handicap. Les infirmières insistent sur la durée
de leur présence auprès des malades qui va créer l’intimité et la confiance, les
médecins parlent du dialogue singulier, relation entre celui qui a acquis un
certain savoir et celui qui se confie à lui et veut comprendre les enjeux et les
risques des attitudes possibles. Une compétence est mise à la disposition de
celui qui en a besoin dans le cadre d’une relation qui est d’abord humaine, même
si elle fait appel à des techniques de plus en plus élaborées.
La prévention s’exerce dans des conditions moins empreintes d’émotion que dans
la relation soignant-malade, car le dommage n’est pas présent et certain, mais
possible et à venir. Réduire la probabilité d’une maladie, d’un accident est une
capacité dont l’acquisition sera influencée par l’aptitude à utiliser une
information. Elle est très dépendante du statut social qui, dans ce domaine
comme dans d’autres, avantagera ceux qui bénéficient déjà d’avantages du fait de
leur maîtrise des échanges.
L’inégalité des chances de conserver sa santé est un des aspects de l’inégalité
sociale. Elle peut être acceptée comme un aspect de la diversité, il y a des
individus plus vulnérables que d’autres, ou plus aventureux, et ne pas attacher
le même prix à la conservation de la santé fait partie des libertés
individuelles. La situation est compliquée par le fait que les comportements
sont influencés par un environnement assurant la promotion des risques, en
particulier quand des intérêts économiques interviennent. La liberté se
transforme alors en une aptitude à résister à un conditionnement, ce qui
l’éloigne de la vision valorisante d’un choix librement consenti. La lutte
contre le risque de perdre la liberté de vivre provoque des comportements
solidaires assurant une protection active des membres d’une communauté. Le
problème est alors le maintien d’un équilibre entre des valeurs contradictoires.
La liberté et la solidarité (formulation actuelle de la notion de fraternité),
peuvent entrer en conflit, et l’une ou l’autre seront privilégiées suivant le
type d’égalité que l’on veut assurer. Interdire la publicité pour le tabac
privilégie l’égalité dans l’espérance de vie et la solidarité avec les plus
vulnérables aux conditionnements extérieurs, l’autoriser c’est accepter une
forme de sélection sociale au nom de la liberté de " communication " et de
l’égalité dans son usage pour ou contre l’usage du tabac. De tels exemples
peuvent être choisis dans de nombreux domaines où les intérêts économiques
entrent en conflit avec les intérêts de santé publique.
Les risques liés aux limites de nos connaissances
Pouvons-nous assurer la diffusion de
connaissances validées, la critique des informations qui nous paraissent
erronées et potentiellement dangereuses, et proposer des
mesures susceptibles d'améliorer la sécurité sanitaire ?
Les écueils sont facilement identifiables :
- la difficulté de différencier une connaissance scientifique validée d’une hypothèse ou d’une idée acceptée et qui se révélera fausse. L’exemple souvent cité est l’affirmation par plusieurs scientifiques, lors de la phase initiale de l’épidémie de SIDA, qu’une faible proportion de personnes contaminées par le VIH développeraient la maladie (une proportion de 10% fut indiquée à plusieurs reprises). Cette affirmation a pu contribuer à faire tolérer le risque transfusionnel, ou de contamination par d'autres mécanismes (rapports sexuels, injections de drogues). Si les mêmes scientifiques avaient indiqué que l’on ne disposait pas d’un recul suffisant pour connaître la proportion de personnes contaminées qui développeraient la maladie, et qu’il était possible que ce soit la quasi-totalité d’entre elles, une telle prise de position aurait pu provoquer plus de méfiance et de rigueur dans l’application des mesures de prévention (c’est une hypothèse),
- le risque d’une vision étroite de la " vérité " dans le domaine du risque sanitaire, privilégiant la recherche de modifications de comportements ou de valeurs biologiques dont on connaît mal le lien avec d’autres comportements ou d’autres modifications biologiques éventuellement dangereuses ou bénéfiques. Des exemples pourraient être cités dans le domaine de la nutrition. Les systèmes étudiés ont une complexité qui peut faire méconnaître les aspects favorables de certains facteurs dont on n'a identifié que les effets adverses.
Nous avons des capacités de contrôle de ces
risques. La difficulté d’intégrer des faits scientifiques complexes ou des
possibilités techniques nouvelles dans notre fonctionnement social a provoqué la
multiplication de groupes ou d'organismes adaptés à ces situations et dans
l’ensemble ils donnent satisfaction. En France, le comité consultatif national
d’éthique,
l'institut de veille sanitaire, les agences de sécurité (des aliments, des
produits de santé), la commission nationale sur l’informatique et les
libertés sont des exemples d’une recherche de solutions adaptées à des
situations évolutives impliquant de la part de
ces organismes la capacité d’accéder à une maîtrise de
problèmes scientifiques ou techniques et une grande prudence dans les
appréciations portées sur des situations limites. Si la structure est constitués
de personnes connues pour leur compétence dans les domaines où elles s'expriment
et leur indépendance, elle peut assurer ce rôle de médiateur de l'information
utile et validée, en évitant les excès de rigueur et les complaisances.
Le risque de prendre en compte une vérité du moment qui serait contredite
quelques années plus tard ne semble pas important. Il faut relativiser le
scepticisme qui s’est développé à l’égard des mécanismes d’évolution de la
science. Il y a des connaissances dures et des connaissances molles, si l’on se
limite aux premières, on évite ce type d’écueil. Il y a peu de risque que la
relation dose-effet entre la consommation de cigarettes et le risque de cancer
bronchique soit remise en question, ou la relation avantages/inconvénients de la
ceinture de sécurité. Le but de notre action n'est pas n'est pas d’entrer dans
des débats sur des situations controversées, mais d’affirmer des certitudes (ou
de dire qu’une hypothèse n’est pas une certitude) et de favoriser le
développement d'actions susceptibles d'améliorer la sécurité sanitaire.
Le risque le plus sérieux dans une telle entreprise est
d'avoir une vision étroite de la sécurité sanitaire, tentant de réduire la
diversité des attitudes et des jugements dans un tel domaine. Il ne faut
cependant pas confondre les valeurs existentielles et la vérité scientifique. Il
y a une culture des risques et une valorisation des " héros " qui les courent
dans toutes les sociétés et le problème n’est pas de s’attaquer à la promotion
de la mort. Dire que s’engager dans la course en solitaire autour du globe, ou
monter sur les plus de 8000 de l’Himalaya est admirable n’est pas de la
désinformation c’est un jugement de valeur. La difficulté sera dans le domaine
des hypothèses plausibles mais non prouvées. Peut-on qualifier la propositions
suivante : "si le cannabis était légalisé, une partie des consommateurs d’alcool
se déplacerait vers ce produit qui ne provoque pas de cirrhose du foie, ni de
cancers de la bouche ou de l’œsophage. Le bilan final exprimé en termes de
maladie, de mortalité prématurée et de dégâts sociaux serait plus favorable " ?
C’est possible, mais nous ne connaissons pas la part des consommateurs qui
ajouteraient la consommation de cannabis à celle d’alcool, nous sommes donc dans
le domaine des hypothèses non vérifiées, et la désinformation commencerait avec
la présentation de cette hypothèse comme une certitude.
Nous aurons à développer ces notions concernant l'éthique de la prévention et de l'expertise dans des textes qui seront placés sur ce site, soit dans cette partie de références méthodologiques générales, soit dans des parties abordant spécifiquement un problème particulier.
Textes généraux sur l'éthique de la prévention et de l'expertise :- L'expertise, son évolution récente, ses limites. Texte de Claude Got publié dans la revue "Prescrire" (Tome 19 n°199 p.706-707 octobre 1999.