avril 2007 - annexe sur l'infrastructure


Pour définir la réforme de la politique de sécurité routière de 2002, le ministère de l'équipement avait ouvert une consultation sur le site internet du ministère et des propositions concrètes sur de double problème de l'expertise de l'infrastructure et du financement des travaux avaient été faites. Ces deux fiches de proposition sont reproduites ci-dessous sans modification.


21

Assurer l’identification des risques liés à l’infrastructure par une expertise de l’ensemble du réseau  

Enoncé du problème

Parmi les quatre éléments qui contribuent à la sécurité routière, le véhicule, l’usager, le système de contrôle/sanctions et l’infrastructure, ce dernier élément semble une affaire de spécialistes n’appelant pas d’action générale spécifique. En réalité aucune institution ne peut se passer d’une évaluation de son activité et il est indispensable d’avoir en permanence une observation critique de l’infrastructure permettant d’identifier des facteurs de risques et de les corriger sans attendre l’accident. Cette mesure avait été proposée en 1989 par la commission qui avait rédigé le livre blanc de la sécurité routière sous la forme suivante : « mise en place aussi rapide que possible d’un contrôle technique obligatoire, périodique et indépendant des maîtres d’ouvrage, des réseaux de voierie de l’Etat et des collectivités locales ». Elle n’a jamais été mise en œuvre, sauf pour les infrastructures nouvelles qui sont justement celles qui n’imposent pas une telle expertise, les ingénieurs qui les conçoivent connaissant maintenant les règles de production d’une infrastructure sûre.

Le refus de l’expertise technique est d’abord le refus d’avoir à assumer un risque identifié. Cette situation n’est pas propre à l’aménagement routier, le développement de ce que l’on a appelé la judiciarisation des risques, qui n’est que la nécessaire possibilité pour une victime de faire rechercher la faute éventuelle pouvant être à l’origine du dommage qu’elle a subi, se manifeste dans tous les domaines de la société. La réduction des risques qui est observée dans la plupart des domaines où l’homme peut exercer une fonction en relation avec la sauvegarde, et donc éventuellement avec la destruction de la vie, sont concernés, notamment l’insécurité liée à l’infrastructure routière. La distinction récente dans le code pénal caractérisant les délits non intentionnels d’une causalité directe et d’une causalité indirecte n’a pas modifié cet état de fait. Le point important dans le cas de la causalité indirecte est que le responsable savait que la sécurité de personnes était engagée par son action ou son inaction et qu’il n’a pas agi pour réduire voire supprimer le risque.

Objectif de la proposition

Rendre obligatoire l’expertise de l’ensemble du réseau routier par une structure spécialisée indépendante des maîtres d’œuvre et des maîtres d’ouvrage, utilisant des méthodes et des critères définis par l’Agence française de sécurité routière.

Avantages et gains attendus

Corriger des anomalies évidentes qui sont souvent faciles à modifier, mais qui sont actuellement laissées en l’état, même quand des accidents graves ont prouvé leur caractère nuisible. Quand une princesse anglaise s’est tuée sous le tunnel de l’Alma avec deux autres personnes, il était facile de mettre en évidence le rôle de la vitesse d’un véhicule conçu pour faire des excès de vitesse et de l’alcoolisation du chauffeur, peu de commentaires ont porté sur le danger inacceptable provoqué par la présence d’une série de piliers en béton à quelques centimètres de la chaussée. Trois tunnels se succèdent sur cette partie des quais de Seine, l’un est correctement traité avec un séparateur médian continu en béton, un second n’a aucun séparateur ce qui peut provoquer des chocs frontaux en cas de perte de contrôle, celui du pont de l’Alma présente une succession de piliers en béton sur un trottoir légèrement surélevé alors qu’il est nécessaire de placer entre chaque pilier un muret séparateur en béton, ce qui aurait un coût minime et ne présenterait aucun inconvénient.

Quand un texte réglementaire a défini les normes qui devaient être respectées pour implanter un ralentisseur en dos d’âne, cet aménagement efficace pour imposer la réduction de la vitesse dans certaines conditions a pu enfin optimiser ces possibilités et cesser d’être soit un piège pour les usagers non avertis, soit à l’opposé un symbole inefficace pour les habitués. La pente de 10 centimètres sur un mètre était devenue une notion constante empiriquement perceptible par l’usager. Malgré ce progrès un certain nombre de ralentisseurs non conformes existent, d’autres sont même implantés en contradiction avec la normalisation. Il est nécessaire d’avoir une expertise qui indique les corrections à faire, sans attendre qu’un utilisateur piégé par un dispositif non conforme demande réparation des dommages subis. Contrairement à ce que l’on peut craindre, l’évaluation n’est pas un risque pour les aménageurs, c’est à l’opposé une protection. Il devient impossible de leur reprocher un manquement à une règle ou un savoir faire qui n’a pas été signalé lors de l’expertise.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Une telle pratique n’est pas l’expression d’une méfiance vis-à-vis de ceux qui assurent actuellement le développement et la maintenance  des infrastructures, l’évaluation est d’abord un stimulant qui permet de reconnaître et de valoriser les réalisations de qualité et contribue à faire émerger les meilleures solutions possibles pour résoudre des problèmes parfois difficiles. Il faut donc abandonner la notion destructrice « d’espace réservé » à l’intérieur duquel seul le décideur aménageur fait des choix et les met en œuvre.

La crainte des responsables d’infrastructures est d’être soumis à des inspections qui concluraient à la modification nécessaire de très nombreux éléments de l’infrastructure qu’ils ont en charge. En l’absence de moyens financiers pour réaliser ces modifications, ils se trouveraient exposés à un choix impossible entre la responsabilité encourue en l’absence de réalisation des modifications (faute caractérisée liée à la connaissance d’un risque sur lequel on n’agit pas) et l’impossibilité de les financer. Ce problème a été évoqué chaque fois que la mesure a été proposée et il est d’une importance si évidente qu’une fiche de proposition lui sera consacrée intitulée : Organiser le financement des modifications à apporter aux infrastructures pour accroître la sécurité

 Argumentaire état de la question, données disponibles)

Toutes les activités humaines dans des domaines techniques comportant une grande variété de situations et utilisant un savoir faire peuvent améliorer la qualité de leur production par l’évaluation. Les disciplines médicales ont été parmi les premières à développer ce retour permanent d’expérience et il est maintenant devenu indispensable, même si des réticences se manifestent encore à accepter une activité qui a une dimension de contrôle. L’évaluation des politiques publiques est une nécessité reconnue, et la qualité des infrastructures routières est un thème se prêtant particulièrement bien à une vérification sur le terrain. La lisibilité d’une voie est un élément important de la sécurité routière, un usager parcourant une route qu’il ne connaît pas doit percevoir l’homogénéité et la continuité des concepts qui ont présidé au choix des différents aménagements. Il ne doit pas être surpris par des ruptures dans la typologie de cette voie, par des rayons de courbes très différents, des signalisations inappropriées, ni être mis en danger par un réverbère mal placé. En pratique, la diversité des aménageurs n’est pas favorable à cette facilitation de la tâche de l’usager et à sa protection. Outre le défaut d’homogénéité dans le traitement d’un parcours, les malfaçons ponctuelles, comme celle du tunnel de l’Alma, sont particulièrement fréquentes, notamment en ce qui concerne l’implantation des obstacles fixes verticaux. L’importance de ce problème dans la mortalité routière est telle qu’il sera l’objet d’une proposition particulière.

Conditions de mise en oeuvre (coûts, délais, organisation, partenaires, textes nécessaires...)

Un texte législatif complété par une réglementation est nécessaire. Il peut reprendre les obligations créées dans les textes antérieurs en les étendant à l’ensemble du réseau ouvert à la circulation. Les règles de bonne pratique de ces expertises doivent être fixées par l’Agence française de sécurité routière, s’appuyant sur les compétences des organismes publics (CERTU, SETRA, CETE) et sur les productions de la recherche accidentologique. Un délai d’une année serait acceptable pour réaliser cette mesure.

22

Organiser le financement des modifications à apporter aux infrastructures pour accroître la sécurité 

Enoncé du problème

L’expertise technique de l’ensemble des infrastructures routières est une nécessité. Il est impossible de nier son utilité en prétendant que les différents services qui ont en charge la maintenance des infrastructures connaissent leurs caractéristiques et planifient leur amélioration en fonction de l’urgence et de l’importance du risque d’une part et de leurs moyens financiers d’autre part. La proposition d’expertise périodique de l’infrastructure avait était faite dans le livre blanc sur la sécurité routière de 1989 (voir fiche de proposition spécifique sur ce thème). Elle n’a pas été adoptée par le Gouvernement de l’époque et elle a été rejetée quand des parlementaires ont tenté de l’introduire dans la législation. L’argument majeur opposé à son adoption a été le risque pour un responsable, notamment pour un maire disposant de faibles moyens, d’être pris entre une expertise concluant à la nécessité de faire des travaux sur une voierie comportant des caractéristiques dangereuses susceptibles d’être aménagées et son incapacité à les financer. Le problème du financement nécessaire pour modifier une infrastructure après une expertise est donc l’obstacle à supprimer.

Objectif de la proposition

èDéfinir un cadre pour le financement de mesures de sécurité routière portant sur la voierie et dont la nécessité apparaîtrait à la suite d’une expertise de l’infrastructure qui serait rendue obligatoire par la législation.

Avantages et gains attendus

Si le problème financier était résolu et faisait appel à un mécanisme équilibrant les dépenses entre les différents niveaux possibles (commune, département, région, Etat), l’expertise technique apparaîtrait comme un élément indispensable de la réduction de l’insécurité routière. Dans l’état actuel des choses, les responsables de la voierie ne veulent pas qu’un facteur d’insécurité soit identifié sans qu’ils aient les moyens financiers de le supprimer. Le risque de poursuite dans le cadre des délits non intentionnels devient une obsession des décideurs locaux, même si le risque réel demeure faible, et il faut en tenir compte en organisant des solutions pour le financement des modifications de voierie qui s’imposent. Le but de la proposition est de lever ce motif d’opposition au contrôle technique. 

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

èMettre en place un dispositif d’expertise des risques liés à l’infrastructure pourrait provoquer une attitude protectrice des experts responsables de ce travail, destinée à éviter de déplacer la responsabilité de la commune ou du conseil général vers l’expert. Il faut donc prévoir une limitation de l’inflation des mesures correctives à prendre, en classant ces mesures en fonction du niveau d’urgence, et en prévoyant une planification de leur réalisation s’accordant aux possibilités des différents financeurs. Les principes des transferts possibles de ces financements doivent être définis par la réglementation pour éviter les conflits.

Argumentaire (état de la question, données disponibles)

L’argumentaire concernant l’importance de l’expertise a été précédemment développé. Il s’agit ici d’envisager le financement des modifications à apporter à l’infrastructure. L’erreur est d’imaginer que les voiries dangereuses imposent toutes des modifications importantes et donc coûteuses. La majorité d’entre elles relèvent de modifications dont le coût est faible, c’est le cas en particulier des multiples erreurs dans la signalisation ou dans la présence d’obstacles verticaux mal placés ou sans protection alors qu’ils peuvent être déplacés ou supprimés, ou de séparateurs médians mal conçus.

Conditions de mise en oeuvre (coûts, délais, organisation, partenaires, textes nécessaires...)

La première mesure à prendre pour organiser le dispositif sera une loi rendant obligatoire l’expertise périodique des infrastructures routières par un organisme indépendant des maîtres d’ouvrage, ce qui ne signifie pas obligatoirement qu’il s’agira d’un organisme privé. Les conditions de réalisation de ces expertises seraient définies par l’Agence française de sécurité routière, permettant de les classer en fonction de leur niveau d’urgence et de leur coût. La loi indiquerait la mise en place par décret d’un mécanisme permettant aux responsables de l’infrastructure de bénéficier d’un mode de financement particulier quand ils doivent effectuer des aménagements coûteux et urgents. Le seuil permettant de bénéficier de ces moyens supplémentaires devrait être défini en fonction des investissements annuels de la commune. Il pourrait par exemple se situer entre 5 et 10% de ces investissements. Un seuil de même nature interviendrait au niveau du département et éventuellement au niveau de la région. Le financement complémentaire serait assuré par le budget de l’Etat, la solidarité nationale devant intervenir dans ce type de situation. Il est également possible d’envisager un financement complémentaire assuré par la structure administrative se situant immédiatement au dessus de celle qui doit financer des aménagements urgents dépassant ses capacités, donc le département si c’est une commune qui est concernée, et de ne faire intervenir l’Etat que dans le cas où un département verrait à son tour le total de ses contributions dépasser ses capacités de financement (le seuil étant déterminé par rapport à son budget d’investissements, comme dans le cas de la commune).